Poussière [Pv | Mukuro]

♠ Dust on the tables,
Dust on the books,
Dust in my head,
Dust.

La fraîcheur d’un matin de novembre, froide, mais belle, réussit à réveiller Psyche qui avait beaucoup de difficulté à émerger du sommeil pour penser et agir correctement – l’on pourrait dire, de son plein gré -, ce qui était aisé à voir lorsque l’on croisait son regard à demi-fermé. Heureusement que le vent était de la partie, ainsi, il sentait ce froid caractéristique sur son visage, dans ses cheveux et sur son cou qui n’était pas protégé par une écharpe aux couleurs de l’école comme les autres. Il était toujours seul quand il arrivait à Fainting. Il fallait avouer que se lever à quatre heures du matin, c’était assez irrégulier pour quelqu’un qui tenait un poste aussi peu important que celui-ci de bibliothécaire. Peu importe, Psyche aimait arriver à l’avance qu’arriver en retard… Et comme le juste milieu n’existait pas dans son vocabulaire, et bien vous vous doutez du reste…

Il marcha encore un moment, ne songeant à rien, avançant lentement, mais sûrement. Puis les gardiens de nuit lui ouvrirent la porte principale et il leur envoya un signe de tête en guise de remerciement. Les couloirs étaient déserts, tout comme les escaliers lorsqu’il monta dessus. C’était comme si la montagne aussi était endormie. Il avait ressenti la même chose au village. Il monta quelques escaliers encore et arriva à la bibliothèque, cet endroit qu’il aimait tant, où il se sentait mieux que n’importe où ailleurs. En effet, la bibliothèque était le lieu de calme idéal et c’était une raison qui avait fait que Psyche avait décidé de devenir bibliothécaire. Et pourtant, cela était clair qu’il avait passé très peu de temps dans cet endroit lorsqu’il était encore un simple élève. Il préférait d’autant plus aller regarder les pratiques et les matchs de Quidditch que toute autre chose ! Cela lui avait souvent valu des devoirs en retard, mais il ne le faisait plus, à présent. La ponctualité était devenue une douce obsession pour lui.

Psyche épousseta un peu les tables et les fenêtres qui s’encrassaient vite de poussière et de toiles d’araignées, puis alla dans près de son bureau réservé, entouré d’étagères pleines de livres, et s’assit en posant un dernier regard sur la salle avant de se prendre un bouquin et d’en feuilleter les pages. Après un certain moment – une trentaine de minutes environ – Psyche entendit la porte de la bibliothèque s’ouvrir dans un léger grincement qui sembla bien catastrophique dans un endroit aussi grand et silencieux qu’ici. Le jeune bibliothécaire leva ses yeux noirs de sur sa lecture pour regarder l’arrivant. Il était cinq heure du matin, et il se dit que cette personne, si c’était un élève, était extrêmement amoureuse des livres pour venir si tôt le matin. Les ombres de la nuit étaient toujours présents et Psyche ne put voir immédiatement l’individu qui était entré. Il attendit une cinquantaine de secondes, les sourcils froncés tout en fixant la silhouette assez dérisoire à travers les allées de livres majestueux.

Puis l’inconnu passa devant la lampe et Psyche le reconnut, bien qu’il ne se rappelait plus de son prénom un peu particulier, se souvenait-t-il seulement. Il posa le livre sur son bureau, alluma une lampe qui éclairait d’avantage et posa ses mains par-dessus le livre, bougeant un peu la tête pour enlever une mèche de cheveux sombres qui persistaient sur son front et sur la moitié de son œil.

- Tu viens tôt le matin... Tu prévoyais voler un livre ?

Il affichait un air entendu, du genre ‘même pas la peine d’y penser’, accompagné d'un joli sourire. Puis il sortit sa baguette magique qui était coincée entre sa taille et sa ceinture rouge.

Parce que chaque journée se ressemble, on a pas besoin de s’y intéresser. Ainsi, quand vous vous éveillez le matin, vous avez les même manies, vous savez comment vont camarades vont réagir. Même en cours, vous savez que telle personne va se faire crier après ou bien être félicité. Vous savez que vous allez passer votre soirée seul en écoutant les autres rires et que vous finirez par aller vous coucher sans penser à demain. Mais pourquoi y songer ? Puisque chaque jour se répète, comme un cercle sans fin. Une malédiction quotidienne… Malgré cela, chaque matin vous vous levez pour vivre. Chaque jour, on répète les mêmes gestes sans même chercher à changer un peu. Parce que nous faisons partit du système, ce sera toujours ainsi. Telle est la vie, tel est l’ennui.

‘Je déteste ce système stupide… Je déteste cette vie sans utilité… ’

‘Mukuro ferme-la et dors ! Il est une heure du matin !’

‘Je vous déteste aussi…’

C’est vrai aussi… Qu’est ce qu’il avait à penser à ça à une heure pareille celui-là ? Ce gamin allongé sur son lit qui regardait le plafond calmement. C’était assez difficile à expliquer mais son esprit était tellement occupé par la pensée du système qu’il n’arrivait pas à s’endormir. Peut-être que ce gosse était juste trop compliqué pour son propre bien après tout. Quelle idée de ce dire une chose pareille… Même si c’est la vérité, il aurait dut faire comme les autres et continuer sa vie normalement. Cependant, il ne fallait pas s’attendre à ce genre de réaction normale de la part de quelqu’un dont le plus grand souhait est d’être sourd. Mukuro Rokudo, jeune garçon de presque quinze ans était ainsi, s’interrogeant sur les seules choses pour lesquelles il n’y devait pas avoir de questions à se poser. C’est ainsi qu’il dériva lentement dans le sommeil, ses yeux se fermant doucement tandis qu’il se demandait pourquoi personne ne réagissait jamais à ce monde… Lorsque ses yeux s’ouvrirent doucement, l’heure était encore au sommeil. L’adolescent se redressa sur un coude pour jeter un bref coup d’œil à sa montre avant de cligner des yeux, juste une fois. Parfois, il faisait peur à cause de ça, peut-être parce qu’il ne faisait que très peu cette action comparé aux autres personnes. Mukuro était tellement étrange de toute manière… Avec des gestes lents et précis, l’adolescent s’habilla, de simples habits moldus. Ils étaient de toute manière bien plus jolis et confortables que ceux des sorciers en tout cas. Se brossant les cheveux rapidement, Mukuro mit son cache sur son œil, ayant décidé qu’aujourd’hui il ne voulait pas qu’on rit de lui et se dirigea lentement vers la sortie du dortoir.

Dire qu’il n’était même pas encore cinq heures du matin, mais ça, le garçon l’ignorait, puisque sa montre était restée sur sa table de chevet. Ainsi, il traversa les couloirs de l’école, marchant lentement et ne posant ses pieds que sur certaines des pierres du sol. Tout en faisant ça, Mukuro réfléchissait… Bien sûr, il savait où il allait, c’était si logique… Pourquoi sortir sans une raison valable. Non, ce qui lui posait problème était de savoir si ce livre serait à la bibliothèque. Ou bien, si jamais le bibliothécaire accepterait de le lui prêter. Après tout, cet ouvrage… Ce sort… Quelle utilité de connaître une chose pareille ? Qu’est ce qui faisait que Mukuro acceptait d’aller aussi loin que ça dans son idée… Question qui ne possède pas de réponse. Poussant la porte du lieu, le jeune garçon avança dans l’espace gigantesque avant de marcher entre les rayonnages. C’est ainsi qu’il passa à quelques centimètres d’une lampe près de laquelle était le bibliothécaire. Les deux se connaissaient un peu, s’étant déjà croisé quelques fois… Monsieur… Moodluce… Oui, ça devait être ça. Mais le nom de la personne n’avait pas d’importance.

Dès qu’il se mit à parler, Mukuro posa lentement ses mains sur ses oreilles avant de s’arrêter de se déplacer pour le regarder. C’était un banal réflexe dès qu’il entendait une personne de ce monde de menteurs ouvrir la bouche… Une fois que l’autre eut terminer de lui parler à propos d’on ne sait quoi, l’adolescent retira doucement ses mains, avant de jouer avec le ruban bleu autour de sa main droite et de demander d’une voix neutre.

‘Je veux un livre qui contient un sort qui peut rendre sourd. Ce n’est ni pour faire du mal à quelqu’un sans raison, ni pour une vengeance mais pour ma propre personne. Je ne compte rien voler, si c’était ce que vous demandiez…’

Le garçon détestait peut-être parler, mais jamais Mukuro n’aurait put mentir à quelqu’un lorsqu’il se décidait enfin à ouvrir la bouche. Une qualité rare que d’être honnête… Même si le silence valait tout les mots en ce monde.

Psyche se posa de sérieuses questions lorsque le jeune étudiant lui demanda un sort qui pouvait rendre sourd. Bien qu'il ne soit pas un expert en sortilèges -bien normal, il n'était pas un professeur-, Psyche se dit qu'un sort de la sorte devait bel et bien exister. Il passa en revue dans sa tête les livres qu'il avait lus ou feuilletés sur les sortilèges pour en trouver un qui pourrait éventuellement aider cet élève. Il ne semblait pas bien se soucier des problèmes qu'il était en train de causer en assistant l'autre, mais après tout, il n'était qu'un bibliothécaire égoïste et la douleur des autres ne faisaient pas son malheur. Il regarda la tête aux cheveux bleus de l'adolescent qui était toujours de dos à lui. La pointe en forme d'ananas que formait les mèches de cheveux derrière sa tête étaient très amusantes et Psyche se laissa perdre dans la contemplation de celle-ci, la tête vide et le regard voilé... Dans la lune ! C'était ça quand on se levait aussi tôt après avoir peu dormi. Il bailla ouvertement en rangeant son livre dans une armoire et marcha doucement entre les étalages, déplaçant quelques ouvrages, quelques documents et aussi plusieurs archivages des journaux de l'école qui étaient tombés parterre. Après un certain temps où il passa entre deux tables encore poussiéreuse, Psyche se remit à parler.

- Alors comme cela, tu désire être sourd ?

Il trouvait que l'enfant était bien honnête -ou bien maladroit ?- de lui dire ce qu'il voulait faire. Après tout, il ne savait pas d'avance si le bibliothécaire aurait accepté de l'aider ou pas. Cela ne semblait pas l'affecter tant que cela, à vrai dire, le garçon semblait avoir en permanence un visage dépourvu d'expression et Psyche avait même remarqué au cours de leurs courtes rencontres le fait qu'il ne clignait pas beaucoup des yeux. C'était vraiment une personne des plus intrigantes, et Psyche se promit d'approfondir un peu plus ses connaissances à son sujet. Le jeune homme aux yeux noirs comme le vide avait toujours eu des préférences au niveau des personnes qu'il rencontrait et avec qui il acceptait de discuter.

- C'est bien dommage, car entendre est un cadeau merveilleux.

Il arriva aux côtés de l'élève et le regarda en se grattant la tête, semblant toujours à la recherche du fameux livre qui lui dirait comment accéder à la possibilité de perdre l'ouïe. Malgré ces petits mouvements, le visage de Psyche demeurait toujours aussi inexpressif. On pouvait cependant voir dans la brillance de son regard une certaine honnêteté et ses sourires étaient toujours très vrais, malgré ce que l'on pouvait penser. C'était grâce à Alvise et Viola qu'il pouvait vivre une vie aussi confortable que celle qu'il avait aujourd'hui, et son caractère moqueur, mais plaisant était également de leur création.

- Les mots doux de ceux qui nous aime, les merci des gens pour qui tu travaille dur, même les insultes qui nous marque, mais nous rend meilleur si l'on tente de les comprendre.

Il sortit un livre d'une haute étagère, devant se mettre sur la pointe des pieds, la moitié de son ventre découvert -sa chemise ayant suivi le mouvement, on dirait- et la langue légèrement coincée dans un air de concentration quelconque.

- Mais ce que je ne voudrais jamais arrêter d'entendre...

Son corps reprit sa position usuelle tandis qu'il posait ses yeux sur l'index du vieux livre à la couverture à moitié déchirée qui menaçait de tomber tellement elle était ancienne. Puis, après un instant de silence, il leva de nouveau son regard magnifique et effrayant à la fois vers son compagnon matinal :

- C'est ma propre voix.

Il n’était pas d’accord… Les mots des autres, ce langage dont ils se servaient pour communiquer, était une perte de temps. En effet, les mots que prononçaient les autres n’étaient qu’un tissu de mensonges. Souvent, on a pas besoin d’être sincère pour dire quelque chose et c’est si facile de faire croire qu’on l’est. Une sorte de contrat entre la parole et le mensonge. Parce que l’un ne peut pas exister sans l’autre… Mukuro avait la particularité de ne jamais mentir. Peut-être pour tenter de casser ce lien entre le faux et le fait de parler. Malgré cela, les mensonges des autres parvenaient toujours à ses oreilles.

' J’abandonne… J’abandonne lentement… Ce monde. '

L’adolescent donnait en effet cette impression. On le voyait toujours se cacher ou bien s’enfuir dès que quelqu’un parlait. En réalité, Mukuro était le pire des lâches. Préférant se réfugier derrière un vœu à l’allure d’une punition, plutôt que d’affronter la réalité. Ce garçon était prisonnier d’une réalité qu’il s’était créer, une vision des choses que personne n’aurait dut avoir. Ce n’était pourtant pas de sa faute… Si. Si jamais il avait apprit à se comporter comme tout le monde et à suivre le rang, rien de tout ça ne serait arrivé ! Quel égoïste personnage que celui-ci. Une personne qui ne pense qu’à elle et qui déteste ce monde… Bien que ce comportement ne soit pas rare de nos jours, ce n’était pas une raison pour agir ainsi. Mais Mukuro savait ce qu’il voulait et jamais aucun individu ne pourrait le faire changer d’avis, jamais. Bientôt, il n’entendrait plus rien du tout et ainsi, il serait libre de sa prison. Ou alors… Peut-être allait-il juste y ajouter des pierres ? Qui sait… Nous verrons bien ce qui arrivera.

' Je ne souhaite pas comprendre ce monde. J’ai déjà abandonner cette idée. Je veux juste courir loin, très loin. Je veux juste ne plus rien pouvoir entendre. C’est mon vœu. Yakusoku desu… '

[Japonais = C’est une promesse]

Les mots dans sa langue maternelle était de moins en moins nombreux à s’échapper de ses lèvres pâles. C’était une autre culture, un autre monde, alors il oubliait. Lentement… Il changeait également, sans s’en rendre compte. L’innocence de l’enfance s’était effacée trop vite et à présent, cela faisait mal. Mal de plus pouvoir faire semblant de penser que ce monde est merveilleux. Souffrir du fait de savoir ce qui se passait un peu partout sur terre. Horrifié du fait que les gens s’en fichaient. Tous étaient des horreurs, des monstres… Mais on était pas dans un jeu vidéo et il était impossible de juste prendre une arme pour les supprimer. De toute manière, s’était une vision des choses terrifiante. Comment pouvait-on aimer ce genre d’activité ou le but était de faire du mal ?

' Votre voix n’a pas un ton de mensonge. Faîtes vous vraiment partit de ce monde ? '

Cela était un compliment dans le langage du jeune garçon. Une phrase qu’il avait prononcer calmement, tout en regardant l’autre personne dans les yeux. Ce bibliothécaire l’intriguait au plus au point. Après tout, qui aurait dit ses mots, qui se serait exprimer comme il le faisait ? C’était quelque chose de très beau et de très touchant aux yeux de Mukuro. Peut-être parce que Moodluce ne lui avait pas fait la morale en lui disant qu’il ferait mieux d’abandonner ses idées stupides. Ou bien alors à cause de sa façon si honnête de s’exprimer, donnant son avis mais sans tellement le forcer à changer le sien.

Tout en réajustant son ruban, l’adolescent quitta enfin des yeux l’homme plus âgé tout en se disant qu’il était aussi beau qu’honnête. Une pensée choquante, étrange qui lui était venu quand il avait aperçu le ventre de l’autre personnage. Aussitôt, une légère rougeur envahie ses joues et il se dépêcha de baisser la tête, se demandant depuis quand de tels pêchés lui venaient en tête. Peut-être que le bibliothécaire l’avait corrompu ? Non, cela ne semblait pas être son attention… Légèrement honteux de sa pensée de trouver une personne belle, un homme de surcroît, Mukuro n’osa plus rien dire pendant quelques instants. Les mots étaient bloqués au fond de sa gorge, refusant de sortir. Au fond de lui, l’adolescent avait peur. Peur de sa pensée, peur de la réaction de l’autre s’il le lui disait. Mukuro était pourtant une personne d’une honnêteté à toute épreuve… Alors, il redressa lentement la tête, posa son regard sur le livre, passa une main sur le pansement sur son œil calmement et prononça de sa voix neutre et dérangeante ce qu’il pensait.

' Je pense que vous êtes beau. C’est une pensée qui m’a traversé l’esprit quelques secondes auparavant. Je ne comptais pas vous le dire mais je pense que le mensonge est un pêché des plus terrible. '

» Mukuro | Celui qui ne veut pas entendre | [Finish]